Kitigan
Commencé le 2013 | Culturelle, Génération de revenu pour l’org. mère
Kitigan vend des objets d’art autochtones authentiques de haute qualité faits à la main. Kitigan est un mot ojibwa qui signifie « jardin ». Il symbolise la croissance, la prospérité et la Terre mère nourricière. Les produits Kitigan sont fabriqués, sculptés, cousus et préservés à partir de bois, de pierres, de tissus, d’os, de verre, de métaux, de cuire et d’autres matériaux naturels. Kitigan opère sous la bannière de la Villages Equity Corporation (VEC) et a été créé par l’Ontario Federation of Indian Friendship Centres (OFIFC).
Contexte communautaire
Un cinquième des artistes autochtones du Canada réside en Ontario, la plupart d’entre eux habitent hors des centres urbains de la province. On retrouve la même distribution des artistes autochtones partout au Canada. Alors que les artistes issus de l’immigration et des groupes minoritaires ont tendance à se concentrer dans les zones urbaines, les artistes autochtones vivent principalement en dehors des régions métropolitaines. En plus d’être éloignés, beaucoup d’artistes autochtones sont aux prises avec la pauvreté, l’exclusion sociale et le manque d’expérience nécessaire pour se frayer un chemin sur le marché de l’art, ce qui réduit encore plus leur accès au grand public.

Les populations autochtones sont surreprésentées parmi le groupe des personnes les plus pauvres au Canada. L’écart entre le revenu moyen des artistes autochtones et celui de tous les autres artistes atteint 30 %. En plus de gagner moins que les autres artistes, les artistes autochtones ont des revenus inférieurs de 39 % à celui de tous les travailleurs autochtones. Comme l’explique Chester Langille, directeur du renforcement des capacités de l’OFIFC, « leurs revenus sont en dessous du seuil de la pauvreté, ils sont payés en dessous du salaire minimum pour le travail qu’ils ont accompli ».
Ceci est aggravé par le fait que les artistes et les formes d’art autochtones sont continuellement copiés et exploités. Un grand nombre d’œuvres sont rapidement sous-évaluées, car les formes et les modalités sont imitées et récupérées par des entreprises étrangères. Les reproductions bon marché font baisser la valeur de l’art autochtone authentique et inondent le marché. Kitigan constitue une excellente vitrine pour ces artistes éloignés grâce à laquelle ils peuvent traiter directement avec les acheteurs d’ici et d’ailleurs.
Historique
Kitigan relève de l’Ontario Federation of Indian Friendship Centres (OFIFC), qui représente les intérêts collectifs de 29 centres d’amitié de l’Ontario.
Le mandat de l’OFIFC :
« Améliorer la qualité de vie des Autochtones vivant en milieu urbain en appuyant des activités déterminées par eux-mêmes qui favorisent l’égalité d’accès et la participation à la société canadienne et qui respectent le caractère distinctif de la culture autochtone. »
Les centres d’amitié sont des organismes à but non lucratif qui ont pour mandat de répondre aux besoins de toutes les populations autochtones sans égard à leur statut. Ils conçoivent également des projets et proposent des programmes locaux dans des domaines tels que l’éducation, le développement économique, les enfants et les jeunes et la sensibilisation à la culture.
L’initiative d’économie sociale Kitigan relève de la Villages Equity Corporation (VEC), créée par l’OFIFC en 2001. La VEC est une entreprise à but lucratif, c’est la branche de développement économique de l’OFIFC et de ses centres membres. C’est une société à action unique détenue par les centres membres et à laquelle tous les centres contribuent. Avant Kitigan, la VEC avait fondé un autre projet, un magasin d’art autochtone situé dans les locaux de l’OFIFC au centre-ville de Toronto. Le magasin a fermé, car il n’était pas assez achalandé en raison de son emplacement. Kitigan n’est que la deuxième initiative d’économie sociale, car il n’y avait pas assez de ressources disponibles pour démarrer un projet par le biais de la VEC.
Kitigan a été lancé le 21 juin 2013 à l’occasion de la Journée nationale des Autochtones après deux ans de planification. Kitigan qui exerce ses activités dans les domaines des arts et de la culture et de la vente de détail est également une galerie d’art. L’entreprise sociale en ligne est gérée à partir du bureau administratif de l’OFIFC à Toronto; elle a une mission sociale et culturelle visant à créer des revenus
La mission de Kitigan :
« Une initiative d’économie sociale en appui aux artisans autochtones, aux centres d’amitié et aux entreprises et organismes autochtones participants visant à devenir autonome par le biais du développement économique et du renforcement des capacités. »
Outre sa mission sociale et culturelle, Kitigan s’est fixé cinq objectifs :
- Fournir une gamme d’objets d’art et artisanaux et de cadeaux autochtones authentiques, originaux et de qualité sur le marché mondial;
- Lancer sur le marché des artisans autochtones et fournir le soutien nécessaire pour développer leur porte-folio et leurs compétences entrepreneuriales;
- Fournir des informations sur les différents styles, cultures et régions propres aux peuples autochtones et à leurs arts;
- Fournir les connaissances culturelles relatives à la signification, à la vocation et aux méthodes utilisées par les artisans pour la fabrication de leurs objets et pour véhiculer leur message;
Faire la promotion et soutenir les centres d’amitié, les organismes et les entreprises autochtones participants.
Développement et résultats
Candice Day, coordonnatrice des capacités en matière d’économie sociale de l’OFIFC, a mené il y a deux ans une étude auprès des centres d’amitié, qui a permis découvrir qu’ils étaient déjà engagés dans des activités d’économie sociale et si ce n’était pas le cas qu’ils manifestaient beaucoup d’intérêt dans le secteur. Malgré cet intérêt marqué, aucun centre ne possédait les ressources humaines et financières pour s’y mettre.
À partir de ces résultats, l’OFIFC a décidé de concevoir cinq initiatives d’économie sociale par an au cours des trois prochaines années. Kitigan est la première. L’OFIFC est la mieux placée pour développer cette entreprise sociale en ligne, car elle permet d’avoir les centres comme partenaires commerciaux et elle a une grande expérience de collaboration avec eux. Ainsi, ces relations diffèrent de celles entretenues par des entreprises « normales ». Comme l’a mentionné Chester Langille, « lorsque vous commencez un partenariat avec un organisme tout nouveau, vous ne savez pas ce qui se passera. Vous avez un accord et vous faites des promesses. En revanche, nous avons une très longue expérience avec les centres et nous savons que ce sont des organismes solides. »
L’Association nationale des centres d’amitié, un réseau de 119 centres d’amitié d’un océan à l’autre, apporte elle aussi son soutien. Cette relation donne à Kitigan un avantage considérable sur le marché, elle facilite l’accès à beaucoup de centres, ce qui augmente la visibilité de Kitigan au Canada. Ceci permet également de rassembler plus d’artistes. Avant son lancement, six centres avaient manifesté leur intérêt à participer à l’initiative Kitigan. Kitigan prévoit qu’avec la hausse des ventes, l’enthousiasme grandissant et l’accumulation des connaissances, d’autres centres vont souhaiter devenir partenaires.
La mission principale de Kitigan est socioculturelle. L’OFIFC a mis sur pied cette entreprise sociale afin qu’elle génère des revenus constants pour les artistes autochtones de l’Ontario et qu’elle offre une opportunité pour les entreprises et organismes autochtones de renforcer leurs propres capacités et revenus. Beaucoup d’artistes autochtones vont d’un centre à l’autre ou d’un magasin à l’autre pour vendre leurs oeuvres. Sachant que beaucoup d’artistes ont des revenus très faibles, cette stratégie n’est pas une manière efficace d’utiliser leur temps, car ils perdent du temps qu’ils auraient pu consacrer à leur création artistique.

Georgina Franki, artiste du Peuple tlicho, explique : « Je ne peux qu’être artiste, rien d’autre. Rester à la maison et ne pas me préoccuper de payer les facture et avec mon propre magasin je serais responsable de tout ça. » Elle attache une grande importance au projet d’entreprise sociale Kitigan, car elle sait qu’elle sera payée pour son travail et qu’elle ne se fera pas voler. Un gros problème pour les artistes est que leurs arts ne sont pas représentés correctement et qu’on profite d’eux. Georgina Franki partage cette préoccupation « tous les artistes disent depuis longtemps qu’ils attendent que quelqu’un se batte pour les défendre ».
Cette initiative procure un soutien immédiat aux artistes, car la politique de Kitigan est d’acheter directement des artistes et de vendre ces objets d’art sur le site Internet. Grâce à l’OFIFC, Kitigan est plus viable et offre des avantages tels qu’un lieu où entreposer tous les objets d’art et un espace pour les photographier. L’objectif de Kitigan est de procurer des revenus continus pour tous les artistes. Pour ce faire, l’entreprise a établi une liste de tous les artistes dont les œuvres sont en ligne avec leurs coordonnées. De cette manière, les acheteurs peuvent contacter les artistes et faire directement affaire avec eux. Une plateforme comme Kitigan permet aux artistes autochtones de se concentrer sur leur art sans devoir se soucier du marketing de leurs produits.
Les objets d’art que Kitigan vend en ligne ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux que l’on peut voir dans les boutiques des centres d’amitié. Par exemple, il serait difficile de vendre des poupées de feuilles de maïs ou des broderies perlées iroquoises dans un centre d’amitié situé dans le Nord. Cette forme d’art vient du sud de l’Ontario et les centres d’amitié nordiques ne connaissent pas forcément ces artistes. Kitigan appuie ces centres en vendant les objets d’art à leur valeur plus une majoration de 15 % pour les frais d’entreposage. Kitigan vend également des impressions giclées d’œuvres d’art autochtones, des mocassins, des mitaines, des gantelets, des pochettes, des pagaies, des sculptures sur corne, des poteries, etc. Tous les centres reçoivent des artistes qui veulent vendre leur production artistique, Kitigan va donc s’efforcer de faire participer plus de centres en les encourageant à ouvrir des boutiques et à devenir éventuellement des fournisseurs.
Un autre obstacle important que rencontrent les artistes autochtones est l’accès aux matériaux. Faciliter l’accès des artisans aux matériaux fait partie des priorités de Kitigan. L’emplacement de Kitigan, situé dans le sud de l’Ontario, facilite l’accès à toutes les grandes industries de matériaux tels que les fourrures, les peaux et les perles. Cette situation géographique permet aux artistes autochtones vivant dans les régions rurales de se procurer des matières premières à la moitié des prix qu’ils auraient habituellement payés. À l’occasion de la foire artisanale de Noël de Thurnder Bay, Chester Langille a pu lui-même constater ce besoin pressant. Les artistes présents abandonnaient leur kiosque dès qu’un tanneur arrivait avec des peaux, car les peaux de bonne qualité sont très chères. Kitigan espère mettre sur son site Internet un lien spécialement destiné aux artistes avec lesquels l’entreprise collabore leur permettant de se procurer les matériaux dont ils ont besoin à des prix beaucoup plus bas. Ceci réduira également les coûts pour Kitigan lors de l’achat des objets d’art et ainsi la boucle sera bouclée.
Une grande partie de la croissance prévue par Kitigan repose sur le développement de partenariats solides. Actuellement, Kitigan a établi un partenariat avec Nation Imagination, une entreprise autochtone spécialisée dans les cadeaux, car Nation Imagination entretient des relations avec des artisans de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Ainsi, chaque organisme pourra partager son accès à des produits uniques. De plus, lorsque Kitigan possède les licences de droits d’auteur, il pourra échanger des œuvres avec Nation Imagination et aider les artistes à percevoir leurs redevances. Établir un partenariat avec une entreprise qui a plus d’expérience dans ce domaine permet à Kitigan de profiter des modèles et des idées échangés entre partenaires.
Kitigan veut également établir un partenariat avec les Autochtones incarcérés. Kitigan prévoit mettre sur pied un partenariat avec les établissements carcéraux ayant de hauts taux de détenus autochtones. Un tel projet permettrait aux hommes et aux femmes incarcérés de développer leurs talents artistiques et de devenir des fournisseurs du magasin virtuel de Kitigan. Kitigan générerait une source de revenus pour ces hommes et ces femmes et contribuerait à leur réinsertion grâce à l’argent qu’ils auront économisé. Kitigan espère que ces programmes deviennent permanents dans les prisons ciblées et que les personnes participantes deviennent des fournisseurs à long terme. De tels partenariats permettent à Kitigan de se concentrer sur sa mission sociale et culturelle tout en créant des revenus pour l’entreprise et pour les personnes utilisatrices de la plateforme.
Structure de l’organisme

Le projet Kitigan est né sur un coin du bureau de deux employés à plein temps de l’OFIFC et grâce au dévouement d’un bénévole expérimenté. Kitigan a été fondé en juin 2013 et compte maintenant deux équivalents plein temps (EPT) et un bénévole. Les deux EPT, soit un coordonnateur du marketing et de la communication et un coordonnateur du commerce électronique et de la mise sur le marché, relèvent de la coordonnatrice des capacités en matière d’économie sociale et du directeur du renforcement des capacités.
La personne bénévole a fait partie intégrante de la planification stratégique et du démarrage puisqu’elle possédait une grande expérience en stratégie de marque, en marketing et en gestion d’entreprises, y compris le commerce en ligne. Par ailleurs, le bénévole a apporté une perspective canadienne traditionnelle, un élément important sur un marché où la plupart des clients ne sont pas autochtones.
Les deux coordonnateurs sont des stagiaires à plein temps rémunérés qui sont activement engagés à élaborer une stratégie marketing. Ils sont également responsables de créer des partenariats, de faire le lien entre les artisans et les fournisseurs, de maintenir le site Web, de s’occuper des objets d’art, de commander la livraison et de créer des opportunités pour les artistes et les collectivités autochtones.
Le conseil d’administration de l’OFIFC a joué un rôle clé dans le développement et la croissance de Kitigan. Les missions sociale et commerciale de Kitigan sont alignées sur l’objectif d’autonomie financière de l’organisation mère. Il était très important de s’intégrer à la stratégie de l’OFIFC. L’ouverture du conseil d’administration de l’OFIFC à cette nouvelle initiative d’économie sociale a assuré le soutien nécessaire pour mener à bien le projet Kitigan.
Finances
La majorité du financement de démarrage de l’entreprise sociale provient de l’organisation mère. L’OFIFC a versé 75 000 $ pour l’achat des objets d’art et a également contribué à une partie du travail administratif initial. Étant donné que l’OFIFC avait déjà une boutique, il y avait beaucoup d’objets inutilisés entreposés. Kitigan a pu utiliser tous les objets faits main concordant avec le mandat du site, le reste des articles ont servi d’outils promotionnels.
Le poste de coordination aux capacités en matière d’économie sociale est financé par le ministère des Affaires civiques et de l’Inmmigration de l’Ontario, et ce, pendant trois ans. C’est l’une des 29 initiatives communautaires financées de la province. Bien que l’objectif principal soit de soutenir les centres d’amitié en renforçant leurs capacités en économie sociale, ce financement est fondé sur une proposition qui établit que le coordonnateur devrait créer cinq initiatives d’économie sociale par an. Cette proposition s’avère très ambitieuse, Kitigan étant la première de ces initiatives. Cependant, d’autres initiatives ont évolué suite au lancement de Kitigan et rendent cet objectif plus réaliste.
Une partie du travail de base tel que la préparation de l’étude de faisabilité et la création de la plateforme de commerce électronique a été accompli par un bénévole. Le montant de travail effectué par le principal bénévole équivaudrait à une valeur financière de 25 000 à 50 000 dollars.
Selon la coordonnatrice et le directeur, « avoir du personnel, c’est le seul moyen qui permettra à Kitigan de survivre ». Pour démarrer Kitigan, il a fallu un énorme investissement de temps qu’ils ont pris sur leur emploi à plein temps. Ceci les a amenés à rechercher du financement pour des postes nécessaires à l’essor de Kitigan. Ainsi, Miziwe Biik, organisme autochtone d’emploi et de formation, a accordé une aide financière pour deux postes de stagiaire. Ce financement a joué un rôle primordial, comme le souligne Chester Langille, « il y avait un plan A et un plan A ». Kitigan prévoit atteindre un chiffre d’affaires tiré des ventes nettes de biens et de services de 150 00 $ dès sa première année d’existence.
Enjeux et succès

Au cours de son évolution, Kitigan a eu quelques problèmes de croissance. La grande différence entre un site de commerce électronique et un magasin s’est avérée être un défi imprévu. Afficher les produits sur un site Web demande énormément plus de travail que présenter des produits sur les étalages et dans une vitrine. Dans une boutique, les dimensions de chaque produit ne représentent pas de problème. Sur un site Web, chaque produit doit être mesuré et pesé et il faut prendre de nombreuses photos de haute qualité de différents angles pour que le client puisse agrandir l’article. En plus, il faut y inclure les renseignements sur l’artiste et la description du produit. Kitigan sera bientôt à la recherche d’un espace uniquement dédié à la prise de photos.
Le contrôle de la qualité des objets d’art achetés a représenté un processus d’apprentissage assez exigeant. En effet, les employés avaient peu d’expérience, voire aucune, dans l’achat d’objets d’art et ils ont éprouvé de la difficulté à établir la différence de qualité entre certains articles. Un facteur influant sur la qualité est le temps consacré à l’achat d’un objet d’art. Par exemple, lorsque l’équipe s’est rendue à la foire artisanale de Thunder Bay avec en poche un montant d’argent pour l’achat d’objets d’art, elle avait aussi un vol à prendre le même jour. Alors que les membres de l’équipe essayaient désespérément de taper les biographies des artistes et les renseignements sur les produits achetés, il a été facile d’omettre quelques détails comme une paire de mocassins en fausse fourrure.
Ce genre de produit constitue une perte sèche, car il n’est pas authentique et ne peut pas être vendu sur le site Kitigan. Il faut alors récupérer l’argent dépensé dans les imitations sur une autre source de revenus. Ce type d’erreur peut s’accumuler rapidement. Depuis, l’équipe a amélioré ses connaissances en étant en contact avec beaucoup de styles traditionnels différents et en effectuant des recherches plus poussées sur divers articles.
Il a également fallu rapidement trouver un moyen de transporter les œuvres d’art en toute sécurité. Kitigan n’était pas au courant des procédures nécessaires au transport d’œuvres d’art fragiles. Par exemple, Kitigan ne possédait pas les caisses appropriées au transport des œuvres d’art utilisées pour prendre des photos numériques destinées aux impressions giclées. Ainsi, une œuvre a été endommagée et n’a pas pu être vendue. Kitigan prend de plus en plus conscience des exigences relatives au transport d’objets d’art précieux qu’il reproduit et est plus prudent à cet égard. Ces connaissances sont en grande partie tirées des procédures utilisées par les grandes galeries d’art.
La conscience sociale de Kitigan l’a forcé à prendre des décisions commerciales difficiles. Chester Langille a expliqué comment la mission de Kitigan, promouvoir la culture autochtone et la sensibilisation à celle-ci, ne permet pas l’utilisation de certains mots dans le moteur de recherche tels qu’indigène, américain, indien et art. Ce sont les mots habituellement tapés dans les moteurs de recherche par les acheteurs cherchant des objets d’art similaires à ceux vendus par Kitigan. Kitigan avait pris cette décision dans le but de rester fidèle à ses enseignements, son image et son éducation, en tant qu’entité identifiée autochtone. Tout comme d’autres entreprises sociales, Kitigan fait face à un double défi : réaliser ses objectifs sociaux et des profits. Kitigan se prive d’une grande partie du marché en excluant les mots clés qui améliore le référencement du site Internet ce qui est décourageant. Néanmoins, l’entreprise a bon espoir que les liens de retour et les partenariats solides contribueront à surpasser ce défi.
L’une des plus grandes réussites de Kitigan est son plan d’affaires. Le bénévole, impliqué dans le projet dès le début, a aidé l’équipe dans différents domaines allant de l’élaboration d’un plan de financement basé sur leur expérience à l’identification du créneau. Les connaissances de ce bénévole sur la plateforme à adopter ont évité de nombreuses erreurs dès le début.
Kitigan a reçu de nombreux commentaires positifs sur son site Internet dont la trame de fond est blanche. Ce design donne une apparence propre et claire qui permet aux clients de se concentrer sur les produits vendus. Ceci distingue Kitigan des autres entreprises autochtones dont beaucoup ont un arrière-plan surchargé d’images et de couleurs qui ne met pas en évidence les objets exposés. Kitigan continuera à chercher des moyens de faire ressortir les produits.
Impacts et résultats
Kitigan offre aux artisans autochtones un forum permettant de développer leur marché, de promouvoir leurs œuvres et de créer une source constante de revenus par le biais des ventes et des redevances. Cette entreprise sociale est aussi là pour aider les artisans autochtones à développer leur porte-folio et à renforcer leurs compétences entrepreneuriales.
Par ailleurs, Kitigan soutient les centres d’amitié et les entreprises et organismes autochtones qui agissent en tant que fournisseurs et partenaires. Kitigan achète les objets d’art à ses fournisseurs qui sont en contact direct avec les artistes. En contrepartie, ces fournisseurs perçoivent une commission sur tous les produits vendus par Kitigan.
L’un des principaux résultats de cette collaboration est la préservation de forme d’art en voie de disparition. Une grande partie de l’art autochtone est constituée d’objets d’utilité pratique, car dans le passé il n’y avait pas d’argent pour acheter ce dont on avait besoin. Cependant, avec tout ce que l’on peut maintenant acheter en magasin, les objets d’art créés par les artistes ne sont plus des choses nécessaires à la vie quotidienne et sont, de ce fait, considérés comme trop chers. De manière générale, on n’apprécie plus la qualité du travail et le temps investi dans la création d’un objet d’art.
Kitigan a eu beaucoup de difficulté à trouver des couvertures en étoile en Ontario. Finalement, Kitigan a trouvé un centre d’amitié connaissant des artisans qui en fabriquaient et leur a rendu visite. Il faut plusieurs mois pour faire ces couvertures en étoile à la main. Lorsque Kitigan a exprimé son intérêt à acheter ces couvertures à leur vraie valeur, un des artisans s’est exclamé : « Eh, bien mesdames, mettons-nous au travail! ». C’est ce genre de motivation et d’intérêt à poursuivre leur art que Kitigan tente d’inspirer aux artistes.
Si le travail des artistes ne leur permet pas de gagner leur vie, ils vont arrêter. Ceci implique que personne ne sera formé pour perpétuer cette forme d’art et qu’elle disparaîtra. Si les artistes peuvent vivre de leur production artistique, cela attirera d’autres personnes à pratiquer cet art et donc cette forme d’art continuera d’exister et de prospérer. Prenons l’exemple de Lorna Hill et Samuel Thomas, artisans prolifiques du perlage, qui on su raviver un art mourant. Cette mère et son fils du peuple Cayuga sont des autodidactes qui ont créé plus de 25 000 œuvres en broderie perlée iroquoise. Leur profond intérêt dans leur art les a menés à enseigner et à transmettre cette tradition. Thomas est le président du conseil d’administration du Niagara Regional Native Centre. C’est ce genre d’impact que Kitigan veut réaliser avec les artistes présentés sur son site Web.
Kitigan prévoit que 80 % du marché sera non autochtone. Ceci représente une opportunité de montrer aux personnes hors de la communauté autochtone à quoi ressemblent l’art et l’artisanat autochtones authentiques de haute qualité et de les renseigner sur leur histoire. Puisqu’on vend maintenant des capteurs de rêves et des mocassins de bas de gamme en magasin, il est d’autant plus important de faire ce travail de sensibilisation afin de préserver les techniques et les formes d’art autochtones. Le site Web de Kitigan donne les informations sur les artistes et les artisans qui ont produit l’objet d’art, sur les matériaux utilisés et sur les enseignements relatifs à l’objet, s’il y en a. D’autre part, le site propose des informations éducatives et culturelles sur les différents styles, cultures et régions de provenance de l’art en question.
Leçons apprises
« C’est beaucoup plus de travail que vous imaginez! » s’est exclamé Chester Langille, « et une une fois qu’on a vraiment démarré, c’est aussi pire ». À Kitigan, personne n’a peur de travailler fort. Pourtant, Kitigan a appris de précieuses leçons qui pourraient aider d’autres entreprises sociales de commerce électronique à alléger la charge de travail.
- Vous allez devoir faire des choix difficiles : restez fidèle à votre mission, mais surveillez les chiffres; une entreprise sociale doit faire des compromis.
- Vendez des produits de qualité : il est vrai que la mission sociale est importante, mais les clients n’achèteront rien si vous n’avez pas l’air professionnel et pas de produits de bonne qualité. Si vous n’en faites pas une priorité, vous allez nuire à vos clients en ne les aidant pas. Rien ne sert de raconter votre histoire si vous n’êtes pas à la hauteur.
- Soyez clair et transparent avec les partenaires : dans le cadre de l’évolution de Kitigan, l’OFIFC a établi un contrat standard avec les fournisseurs précisant clairement ce qui est attendu des fournisseurs et ce que Kitigan doit faire en retour.
- Faites des recherches encore et encore : faites une étude de faisabilité, comprenez votre marché et sélectionnez la bonne équipe ayant des compétences complémentaires et beaucoup d’énergie pour démarrer votre entreprise.
- Obtenez le soutien de votre organisation mère : il est primordial que votre conseil d’administration comprenne ce que vous essayez d’accomplir. Vous obtiendrez son appui en faisant valoir que vous respectez la mission de l’organisation et en précisant vos objectifs, ce qui soutient clairement le but ultime.
- Forgez des partenariats : il y a toujours quelqu’un qui a déjà fait ce que vous faites ou quelque chose s’y rapprochant. En ayant des personnes et des organismes clés auxquels vous pouvez vous adresser vous multipliez vos chances de réussir
Vision d’avenir
Au gré de la croissance de Kitigan, les produits vont circuler et les artistes auront des commandes régulières, tel est l’objectif. De leur côté, les artistes n’auront plus à courir de porte en porte pour vendre leurs œuvres. Les artistes et artisans pourront se concentrer sur leur art et les acheteurs pourront passer leur commande directement auprès des artistes. Kitigan qui vise également à soutenir les entreprises autochtones espère qu’il y aura un tel afflux d’objets d’art de différents artistes qu’avec le temps ces entreprises pourront ouvrir leur propre boutique au lieu d’expédier les produits à Kitigan. La vision de cette entreprise sociale est que d’autres centres d’amitié et entreprises renforcent leurs capacités en collaborant avec Kitigan et élaborent leurs propres initiatives d’entreprise sociale.
Afin de promouvoir l’authenticité des arts autochtones, Kitigan veut s’engager dans l’élaboration d’un certificat d’authenticité comprenant une base de données en ligne et un certificat d’authenticité des arts autochtones. Cela garantira la satisfaction de la clientèle et permettra aux artistes d’être pleinement conscients de leurs talents.
L’OFIFC aimerait également créer des postes permanents à Kitigan. On examine différents moyens de financer ces emplois. Par exemple, si un partenariat entre le programme de création artistique autochtone et la prison est officialisé, alors la prison pourrait financer un poste à temps partiel à Kitigan pour gérer le partenariat et s’assurer que les oeuvres sont vendues. Par ailleurs, la VEC étant un incubateur d’entreprises, elle n’est donc pas responsable de l’administration à long terme. Lorsque les premières jeunes entreprises sociales de la VEC vont prendre leur essor et devenir plus viables, le but serait de les transformer en entreprises indépendantes et éventuellement de les vendre.
Il est vrai qu’attendre de voir comment les ventes en ligne vont évoluer peut être une expérience stressante. Néanmoins, Kitigan est fier du travail de sensibilisation et de conscientisation qui a résulté du démarrage de l’entreprise. Lorsque les employés réfléchissent à la différence entre leur initiative d’économie sociale et une entreprise commerciale, ils soulignent leur mission sociale. Il ne s’agit pas de savoir combien d’argent on peut recueillir pour son propre compte, mais de savoir combien d’argent peut être recueilli pour répondre aux besoins de chacun : les artistes et artisans, les centres d’amitié, les fournisseurs et Kitigan.
Vidéo
Conclusion
Chester Langille et Candide Day considèrent que l’étude de cas était une bonne initiative « il est très important de partager nos expériences et ce que nous accomplissons, pour que nous [les entreprises sociales] puissions apprendre les unes des autres. Mais nous sommes souvent tellement occupés et débordés par les détails que nous oublions ce que nous faisons et l’impact que nous avons ». Kitigan est une initiative unique, importante et innovante dans la communauté autochtone qui aura un impact économique, social et culturel considérable.
Recherche et rédaction, Stephanie Massot
Ouvrages cités
About Us. (2013). Repéré le 1er septembre 2013 sur le site http://www.kitigan.com/about-us/http://www.ofifc.org/about/
Beadworking. (n.d.). Repéré le 15 septembre 2013 sur le site http://www.iroquoismuseum.org/beadworking2.htm
Conseil des arts du Canada. (n.d.). Portrait de la situation des arts au Canada. Repéré le 14 septembre 2013 sur le site http://conseildesarts.ca/conseil/ressources/promotion-des-arts/trousse-de-promotion-des-arts/portrait-de-la-situation-des-arts-au-canada
Creighton-Kelly, C., & Trépanier, F. (2011). Comprendre les arts autochtones au Canada aujourd’hui. Repéré le 12 septembre 2013 sur le site http://www.canadacouncil.ca/~/media/Files/Research%20-%20EN/Understanding%20Aboriginal%20Arts%20in%20Canada%20Today%20A%20Knowledge%20and%20Literature%20Review/Understanding%20Aboriginal%20Arts%20in%20Canada%20Today.pdf
Day, Candice. Entretien personnel. 4 juillet 2013
Franki, Georgina. Entretien personnel. 4 juillet 2013
Hill Strategies Research Inc. (2005). Diversity in Canada’s Arts Labour Force. Repéré le 14 septembre 2013 sur le site http://www.arts.on.ca/Asset406.aspx.
Langille, Chester. Entretien personnel. 4 juillet 2013
Métis Minute. (2013). Repéré le 1er septembre 2013 sur le site https://www.facebook.com/permalink.php?id=570383752988041&story_fbid=671613902865025
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